• Sculpteur sur bouse, Carole Chanard (Nièvre)

     

    Extrait du site http://www.laterre.fr

     

     

    Portrait : Carole Chanard, sculpteur sur bouse

     

     

     

    Sculpteur sur bouse, Carole Chanard vit à Saint-Amand-en Puisaye (Nièvre). « Carolo », fille de la campagne, artiste rurale et folle de vaches, nous confie son travail, ses passions et ses projets.

     

    « Je suis une pure autodidacte », affirme Carole Chanard, sculpteur sur bouse.

    Sous le pseudonyme « Carolo », l’artiste de vingt-neuf ans est aujourd’hui installée à Saint-Amand-en-Puisaye. Elle a vu le jour à Besançon (Franche Comté) et a grandi à Lamoura, dans le Jura. Aînée de deux filles, la petite Carole mena une « véritable enfance montagnarde » à 1 200 mètres d’altitude. « Mes parents, ouvriers-tabletiers, travaillaient la corne de vache dans leur atelier-boutique pour en faire des bijoux, des figurines animales etc. » A l’adolescence, la famille Chanard part en Afrique de l’Ouest pendant une année. « Nous sommes allés au Burkina-Faso. Mes parents ont tenté de monter une coopération avec des agriculteurs burkinabé pour se fournir en corne de vache. Une expérience marquante qui provoque un déclic à son retour, à l’âge de 16 ans. « J’ai arrêté l’école. Pourtant je n’étais pas mauvaise, mais le système scolaire ne me plaisait pas et j’ai senti un véritable décalage en revenant du Burkina. » Carole travaille alors avec ses parents. « Moi aussi, je suis passée par Mc Do », confie-t-elle en riant. Grande, blonde, enjouée, Carole analyse aujourd’hui cette décision fondamentale.

    « J’ai voulu faire comme mes parents, soit ne pas travailler dans une structure classique. Cela implique une certaine prise de risque et des rentrées d’argent fluctuantes. Le lot quotidien des entreprises artisanales et familiales. On vit parfois avec un nœud à l’estomac mais cela apprend l’esprit d’entreprise et le goût de l’aventure. Du plus loin que je m’en souvienne, j’ai toujours voulu devenir sculpteur. » C’est en 2006 que Carole quitte le Jura pour Saint-Amand-en-Puisaye... et c’est déjà pour une histoire de vache ! En effet, pour refaire de la galalithe, matériau en caséine de lait, la vache Mazda « vit à la maison, comme autrefois. » Malgré tout, l’odeur de sa bouse créée des problèmes de voisinage. Ce conflit provoque un second« déclic » et Carole décide que « si on peut faire des maisons en torchis avec de la bouse, on peut aussi en faire des sculptures ! » Une première expérience, deux ans auparavant, avait déjà fonctionné. « J’ai modelé un petit nounours, et après plusieurs heures au four, il ne bougeait plus. »

    « Les agriculteurs s’intéressent à ce que je fais »

    Désormais sculpteur à temps plein, totalement passionnée, elle vit aujourd’hui totalement de son art. Et peut passer des heures à vous raconter des histoires de vache et ... de bouse. « Les bouses se travaillent mieux lorsque les vaches mangent du foin en hiver. C’est alors de la fibre et de la cellulose. Et il me faut de la bouse fraîche du jour, sinon elle fermente. Je les récupère à la récolte, dans les prairies, entre septembre et avril. Les paysans sont ravis. Ils me disent souvent « Allez-y, vous pouvez tout prendre ! » Je la travaille le jour-même et je la fais sécher en douceur, mais le plus rapidement possible. Une vache produit entre 10 et 15 bouses par jour, c’est intéressant. Evidemment, cela sent la bouse de vache mais cela me va bien. » Les sculptures de Carolo ne fleurent absolument pas la bouse (en ne fermentant plus, la bouse perd don odeur) au grand dam de nombreux amateurs qui souhaiteraient retrouver « l’odeur des étables de leur enfance ». « Les agriculteurs, eux, affichent un « certain étonnement, dans le bon sens du terme. Ils s’intéressent à ce que je fais. » Le compagnon de Carole Chanard, photographe animalier de métier, leur permet de partager « l’amour des animaux ». Dans leur maison agrémentée d’un petit jardin, ils possèdent huit poules et la cochonne Rosie. L’artiste avoue cependant éprouver « une tendresse particulière pour les vaches. Chacune a une psychologie spécifique. » Alors, même si elle sculpte des chevaux, cochons, rhinocéros, éléphants, ours, elle consacre aux bovins la plus grande partie de son travail. « Le corps de la vache possède des lignes particulières, intéressantes à saisir. La vache mérite aussi notre reconnaissance. Elle qui, en paix et en silence, assume son utilité. A travers mes sculptures, la bouse devient un matériau qui fait un lien entre l’animal et nous. »

    « Une vraie fille de la campagne, une vraie rurale »

    Les sculptures de Carolo représentent deux facettes artistiques : le réalisme animalier et l’anthropomorphisme. Cette seconde démarche ne manque pas d’humour. Ainsi, l’artiste « touche tout le monde. » La future trentenaire ne manque pas d’ambition et n’hésite pas à jouer la « communicante ». Pourtant, ce qu’elle préfère, c’est « travailler à l’atelier, chez moi et marcher dans la nature. Je suis une vraie fille de la campagne, une vraie rurale. » Mais elle joue le jeu et passe beaucoup de son temps à « vendre sur des expositions dans la région, mais aussi sur Paris au marché de la création de la Bastille une fois par mois, et dans mon atelier. Connu pour sa poterie, le village de Saint-Amand-en-Puisaye plait beaucoup à Carole. « Les potiers sont sensibles au matériau naturel et ils trouvent sympathique le côté primitif de mon travail. Comme eux, sculpter, c’est toute une démarche. Très proche de mon matériau, comme un affineur de fromages, il me faut de la patience et de la présence. Dans cette région, je constate une grande tolérance de la part de chacun. De tradition ouvrière, les Saint-Amandois sont restés simples. » Au-delà de pouvoir exposer dans de nombreuses galeries, Carole Chanard caresse un autre rêve, facile à deviner celui-là, « acheter un bout de terrain et reprendre une vache. »

    parZelda Meyer

     

     

    site Internet de Carole Chanard www.carolosculpture.fr





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